Qu’est-ce que je déteste le sport ! Vous ne pouvez pas imaginer. Rien que d’y penser, j’ai les poils des bras qui se hérissent. J’ai bien essayé pourtant. Danse, natation, tennis, basket, poney… je suis passée par à peu près toutes les disciplines avant de me rendre compte que ce n’était pas la peine d’insister. Le seul sursaut – ou plutôt tentative de ne pas finir dernière au classement – a eu lieu au collège quand mon prof de sport sosie de Pierce Brosnan dans GoldenEye (je vous jure) a décidé de nous enseigner la lutte. C’est d’ailleurs probablement à cet instant-là qu’est née ma passion pour le catch. Quoiqu’il en soit, malgré ce bref espoir, je suis restée au niveau de grosse brêle et l’uppercut fatal a été décoché par mon frère un soir d’été 1998 où nous jouions au foot : « Tu as du cœur mais tu dribbles comme un singe. T’as rien de spécial, tu ne t’es jamais fait casser le nez. » Le truc qui te met au tapis… Il fallait bien se rendre à l’évidence : à peine pubère, et j’étais déjà un poids lourd de nullité face à l’effort sportif.
17 ans plus tard, je pensais en avoir définitivement fini avec le sport. Mais c’était sans compter la vive recommandation de mon médecin de reprendre une activité physique pour travailler ma respiration (oui, je suis nulle en ça aussi). J’ai donc accepté la malédiction : il était temps de sortir de ma retraite sportive et de me mettre au running avec l’aide d’un coach. Et pas n’importe quel coach : le tout dernier bracelet connecté que tu ne peux pas corrompre avec un bonbon ou une bière. Mon objectif ? Tenir la distance. Si je peux tenir la distance, que le chrono sonne et que je suis toujours debout, je saurais pour la première fois de ma vie que je ne suis pas une grosse molle bonne à rien.
1er round
Mon bracelet vibre pour me réveiller. Je me lève, les yeux collés. Il va me falloir du lourd. J’ouvre le frigo. Sa saleté de lumière m’éblouit. Je me rappelle avoir lu quelque part que les œufs sont riches en protéines et donnent des forces aux sportifs. Je casse un, deux, trois, quatre, cinq œufs dans un bol et hop, je gobe le tout. Tandis que le jaune coule sur mon menton, je sens le haut-le-cœur venir. J’essuie ma bouche avec ma manche et je fonce aux toilettes. Une fois l’estomac bien vide, j’enfile mon bonnet et je sors. Il fait encore nuit et on se caille. Mon bracelet vibre. Je le trouve un peu austère. Je décide alors de l’appeler Mickey. Ça le rendra peut-être plus sympathique…
Tandis que je m’efforce de tendre une jambe à la perpendiculaire pour m’échauffer, Mickey m’envoie un message sur mon portable : « Allez fainéante, il est temps de commencer à courir ! » Je me relâche trop vite et mon dos craque. Le mal de chien. Mickey vibre. Je ne vais pas le laisser avoir raison. C’est parti pour les premières foulées ! Il faut que j’arrive à faire le tour du quartier en courant. Il doit être bougrement tôt car je ne croise âme qui vive. De la fumée sort de ma bouche. Je remonte mon sweat. Je souffle dans mes mains, puis je donne des coups de poings dans le vide pour essayer de me réchauffer. Quelle idée de merde, vraiment. Je sens que le poing de côté n’est pas loin et mes oreilles commencent à me faire mal, comme si le froid comprimait mes tympans. C’est alors que j’arrive face à une côte. Elle va m’achever. Mickey vibre. Ok, je m’élance. A peine au milieu, mon souffle se coupe. Je ne peux plus continuer. Mes jambes me lâchent. Pliée en deux, j’aperçois les premières lueurs du jour et Mickey m’envoie un nouveau message : « Hey gamine, tu avais le talent pour devenir une bonne joggeuse et, au lieu de ça, tu joues les mauviettes. »
2e round
Vous pensiez vraiment que j’allais renoncer ?… Ok, j’ai bien essayé mais Mickey m’a réveillé à 5h. Je gobe mes cinq œufs et je m’élance ! Je commence doucement en essayant d’inspirer et d’expirer correctement. Mickey m’envoie quelques vibrations d’encouragements. Je me sens plus en forme qu’hier. J’accélère. Quelques foulées plus loin, ma tête se met à chauffer. Malgré le froid extérieur, j’ai l’impression que ça bouillonne de plus en plus. Il faut que je continue ! Soudain, ma gorge se serre, ma vue se trouble et l’air a de plus en plus de mal à passer. Mickey vibre pour que je ne renonce pas. Trop tard, je lâche une quinte de toux sèche. J’étouffe et je m’étale, K.O.
3e round
Un, deux, trois, quatre, cinq œufs. Je m’échauffe. Mickey lance le début de la course. Ça démarre plutôt bien. Je fais le tour du pâté de maison et même un peu plus. Mais les choses se gâtent quand j’arrive au niveau de la côte. Plus je monte, plus je ralentis. Je suis finalement obligée de finir en marchant pour ne pas suffoquer. Mickey est déçu mais le message qu’il m’envoie prouve qu’il commence à s’amadouer : « Tu es sur la bonne voie, n’abandonne pas ! »
4e round… 5e round… 6e round… 7e round… 8e round… 9e round… 10e round… 11e round… 12e round… 13e round… 14e round…
15e round
Aujourd’hui, je n’ai presque pas souffert quand Mickey m’a réveillé et mes œufs sont bien passés. Au fil de ma course, mes enjambées sont de plus en plus longues. Je me sens en confiance. J’accélère. Gauche, droite, gauche, droite, je donne des coups de poing dans l’air. Mickey vibre. J’inspire, j’expire. Je secoue la tête. J’accélère encore. Je vois la côte se dessiner devant moi. Je continue à envoyer une pluie de directs dans le vide. J’y suis presque. Plus vite. Je cours, je bondis, je grimpe. Mickey frétille. Je saute et ENFIN j’arrive au sommet de la côte !!! Je lève mes bras vers le ciel. Face à moi, le soleil se lève. Je me sens victorieuse. Je bondis. Pour la première fois de ma vie, j’ai gagné, j’ai réussi à tenir la distance en sport, je l’ai ce foutu Eye of the Tiger !
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Un texte inspiré de…
ROCKY – 1976
Genre : action, sport, drame
Réalisateur : John G. Avildsen
Scénariste : Sylvester Stallone
Avec : Sylvester Stallone, Talia Shire, Burgess Meredith, Burt Young, Carl Weathers…
Bande-originale : Bill Conti
Pour en savoir plus :
– Voir la bande-annonce de Rocky
– L’entraînement de Rocky : voir l’extrait culte qui a inspiré ce texte
– La fiche technique complète du film sur Allociné
– Toutes les infos sur les 6 films Rocky
– Ce texte fait aussi un clin d’œil à Rocky III, la chanson « Eye of the Tiger » apparaissant seulement dans ce volet de la saga : pour écouter le best of de la BO de Rocky, c’est ici !
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