Shortcut : Joker / Portrait de la jeune fille en feu / Ad Astra

Joker

Joker

Le moins que l’on puisse dire est que le Lion d’Or de la Mostra de Venise fait rugir la critique (ok, jeu de mot pourri). Il y a ceux qui crient au chef-d’œuvre et ceux qui dénoncent une gigantesque farce caricaturale, chacun des deux camps souhaitant à tout prix avoir le dernier mot. Soit. Par ici, on préfère mettre de côté le passif des films de studio adaptés de comics, les incarnations précédentes de l’antagoniste de Batman, la polémique sur l’incitation à la violence… pour mieux se recentrer sur les émotions. Alors ce Joker ? Quelle claque. Quel malaise en sortant de cette montée lente et inévitable vers la folie où la caméra de Todd Phillips jongle entre déchaînement et apaisement. Quelle profonde déprime face à la violence morale qui envahit une société fictive ressemblant cruellement à la nôtre. Quelle fascination pour Joaquin Phoenix qui n’interprète même plus mais est viscéralement Arthur Fleck jusqu’à la plus infime ride de sourire (on devance les « oui, mais », l’amour va à Joaquin hein, pas au Joker). Quelle mélancolie devant cette esthétique scorsesienne de la fin des 70’s-début des 80’s. Quelle boule au ventre pour cette origin story déguisée en film d’auteur (ou inversement, on ne sait plus trop). En un mot, quel p***** de film.

Portrait de la jeune fille en feu

Portrait de la jeune fille en feu

Si Joker a ce côté clinquant (que l’on adore), le nouveau tableau de Céline Sciamma semble, au premier abord, n’être que délicatesse et minimalisme. Il est pourtant de ces œuvres magnifiques qui, une fois les flammes attisées, vous déchirent le cœur et vous nouent la gorge. Ce tourbillon de femmes (Adèle Haenel, Noémie Merlant, Luàna Bajrami et Valeria Golino), toutes corsetées dans le carcan des conventions, prend lentement son envol, jusqu’à l’explosion sublime pour trois d’entre elles. Lors d’une incroyable scène nocturne (l’une des deux seules accompagnées de musique), en plan-séquence, les jeux de regards en disent bien plus long qu’un dialogue ou qu’une étreinte. Une pudeur empreinte d’une liberté éphémère qui fait jaillir le feu dans notre âme de spectateur. Ce portrait de jeunes filles méritait plus que le prix du scénario au dernier Festival de Cannes. Un profond coup d’amour.

Ad Astra

Ad Astra

Là où il n’y a, en revanche, aucune passion, c’est bien dans la dernière introspection humaine de James Gray. En envoyant Brad Pitt dans l’espace, il nous rappelle ce que solitude veut dire (certes), mais il nous plonge surtout dans un ennui intersidéral. Pas facile de passer après Interstellar (Christopher Nolan) ou Gravity (Alfonso Cuarón) ! Il semblerait que James Gray soit plus doué pour la sobriété des drames qui se jouent dans l’intimité de la cellule familiale que pour le gigantisme d’une superproduction spatiale. Inutile de dépenser 90 millions de dollars pour nous expédier au firmament. Une banlieue new-yorkaise et Joaquin Phoenix nous suffisent. Hashtag clin d’œil. Vous vous dites que la boucle est bouclée. Et vous avez raison.

Laisser un commentaire