Shortcut : Sorry To Bother You / Grâce à Dieu / Jusqu’à la garde

Il y a des films, comme ça, qui vous laissent coi(te). Soit parce qu’ils n’ont aucun sens mais que leur folie a le mérite d’exister. Soit parce qu’ils sont plus que nécessaires, qu’ils vous prennent aux tripes, vous révoltent, vous mettent en colère. Mais, dans les deux cas, ils laissent forcément une empreinte indélébile. Et puis, parmi la sélection qui suit, il y a tout de même deux premiers longs métrages. C’est dire si les perspectives sont prometteuses…

Sorry to Bother You

Sorry to Bother You

Attention, OFNI ! Ce premier film de Boots Riley n’est pas recommandable. En effet, certaines personnes pourraient vous adorer, d’autres vous supprimer de leurs contacts. Et pour cause, cette critique du capitalisme, de l’Amérique de Trump et de plein d’autres choses (il y en a tellement qu’on ne sait plus trop où on en est) est un objet étrange. Vraiment étrange. Cela commence pourtant de manière assez « raisonnable », malgré une mise en scène originale : Cassius Green (Lakeith Stanfield) décroche un job de vendeur en télémarketing, il grimpe peu à peu les échelons, tandis que ses amis, exploités, vont se révolter. Jusqu’ici tout va bien… Et puis, le big boss cocaïnomane (Armie Hammer) entre en scène et, croyez-moi, à moins d’être en plein trip, vous êtes à mille lieues de seulement pouvoir imaginer ce que vous allez voir dans le dernier tiers du film. C’est néanmoins précisément ça qui est intéressant. Sorry to Bother You a ce grain de folie et d’audace qu’il est bon de trouver parfois dans les salles obscures. Impossible de dire si vous allez aimer ou détester. Mais une chose est sûre, vous n’êtes pas prêt(e) de l’oublier. Oh… my… God.

Grâce à Dieu

Grâce à Dieu

« Grâce à Dieu, les faits sont prescrits ». Ce sont ces mots révoltants du cardinal Barbarin qui ont inspiré le titre du dernier François Ozon. Basée sur des faits peut-être prescrits mais bien réels (les abus sexuels commis par un prêtre lyonnais sur de jeunes scouts et le silence de l’Église qui a suivi), cette fiction très documentée a de quoi vous nouer la gorge pendant longtemps. Au-delà du film-enquête, Ozon nous parle de ces enfants brisés devenus des hommes, chacun a leur façon. Alexandre (Melvil Poupaud), père d’une famille nombreuse très croyante, est le premier à dénoncer les agissements du père Preynat. François (Denis Ménochet), le plus révolté, décide de créer l’association La Parole libérée. Emmanuel (Swann Arlaud), enfin, est sûrement le plus brisé des trois. Jamais voyeuriste ou caricatural, Grâce à Dieu n’est pas un brûlot anti-catholique. Il salue en toute subtilité le courage de ces hommes qui ont pris la parole, qui ont décidé d’agir pour que le fléau soit entendu, reconnu et ne se reproduise plus. À voir, absolument.

Jusqu’à la garde

Jusqu'à la garde

Il m’aura fallu plus d’un an pour avoir le courage de voir Jusqu’à la garde. On m’avait prévenue, le (premier) long métrage de Xavier Legrand bouleverse. Parce qu’il parle de violences conjugales. Et parce qu’il filme le calvaire de Miriam (Léa Drucker) et de ses enfants (Thomas Gioria et Mathilde Auneveux) non pas comme un drame social ou un documentaire, mais comme un thriller terrifiant où le chasseur (interprété par un Denis Ménochet à vous glacer le sang) n’attend pas la nuit pour traquer sa proie. La montée en tension ne cesse tout au long du film, de la scène d’ouverture chez le juge au final aux airs de Shining. De quoi nous laisser tous sans voix, la boule au ventre. Mais après le bouleversement cinématographique, on revient au réel. Et comme l’a justement rappelé Léa Drucker lors de la dernière cérémonie des César, il y a toutes ces femmes pour lesquelles cette fiction est la triste réalité. Je m’en vais donc reprendre les mots de Xavier Legrand : « Je ne veux pas plomber la soirée, mais je pense qu’il serait temps de penser aux victimes un autre jour que le 25 novembre ». Rien à ajouter.

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