Moonlight : la descente aux enfers n’aura pas lieu

Moonlight aurait pu être clinquant, venir avec ses gros sabots pour faire pleurer dans les chaumières (moi la première). Il n’en est rien. La quête d’identité d’un jeune homme noir homosexuel dont la mère est accro au crack, en plein cœur d’un ghetto de Miami, peut faire craindre les pires clichés. Or, ces derniers sont totalement évacués. Au contraire, s’il y avait un mot pour décrire Moonlight, ce serait sûrement « délicatesse ». A travers les trois chapitres du film retraçant trois époques clés (enfance/adolescence/âge adulte) de la vie de celui que l’on nommera tour à tour Little/Chiron/Black, le réalisateur Barry Jenkins nous emmène dans un récit d’apprentissage plein de poésie et exempt de tout misérabilisme.

MoonlightDans Moonlight, pas question de « Way Down in the Hole ». Oui, faire un clin d’œil à The Wire était plus fort que moi, Little étant aussi le patronyme du fascinant Omar, gangster gay de Baltimore, dans la série de David Simon. Coïncidence ? Mais revenons à nos moutons. En lieu et place d’une descente aux enfers, Moonlight nous conte une (re)naissance. A l’image d’un des instants les plus contemplatifs et mystiques du film où Little apprend à nager avec son père de substitution, tel un baptême d’accomplissement de soi. Et lorsqu’arrive la troisième partie du film, que le chétif Little/Chiron est devenu Black, un dealer bodybuildé avec l’option dents en or qui brillent, Barry Jenkins nous rappelle vite que les apparences sont trompeuses. Toute la rancœur que pourrait ressentir le héros après des années d’humiliations est évacuée au profit d’une scène de retrouvailles emplie de tendresse et de pudeur. Derrière la carapace de Moonlight, se cache donc toute la douceur d’une pépite cinématographique qui vous imprègne lentement mais sûrement.

Seul regret ? Que Mahershala Ali (le génial Remy Danton de House of Cards, récompensé ici par l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle) ne soit présent que dans le premier chapitre. Son personnage de caïd de la drogue au grand cœur qui devient le père d’adoption de Chiron est si attachant que son évaporation elliptique éveille un manque cruel.

Enfin, par son Oscar du meilleur film, Moonlight témoigne du tournant politique que pourrait prendre le cinéma indépendant américain ces prochaines années. Car s’il devait y avoir au moins une chose positive à espérer de l’ère Trump, c’est que de l’obscurité jaillisse une folle créativité artistique, lumineuse et pleine de vie. Barry Jenkins semble ouvrir la voie. Il ne reste qu’à la suivre…

Cam' dans un film

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Moonlight de Barry Jenkins MOONLIGHT – Sortie le 1er février 2017

Genre : drame
Réalisateur : Barry Jenkins
Scénariste : Barry Jenkins d’après l’oeuvre de Tarell Alvin McCraney
Avec : Alex R. Hibbert, Ashton Sanders, Trevante Rhodes, Mahershala Ali, Naomie Harris, Janelle Monáe…
Bande-originale : Nicholas Britell

Pour en savoir plus :
Voir la bande-annonce de Moonlight
– La fiche technique complète du film sur IMDb
– Ecouter la bande originale sur Spotify

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