Lale, Nur, Ece, Selma, Sonay ont entre 12 et 16 ans. Aujourd’hui, c’est le début des vacances d’été. Elles font un détour par la plage pour rentrer chez elles et s’attardent à jouer dans l’eau avec des garçons : ils les portent sur leurs épaules pendant qu’elles essayent de se faire tomber. Seulement voilà, dans le village reculé de la Turquie où vivent les cinq jeunes filles, sous des yeux conservateurs, leurs jeux innocents se transforment en spectacle scandaleux et pornographique. Vous comprenez, elles ont « frotté leur entrejambe contre la nuque des garçons »… Aussitôt, la grand-mère qui les élève seule appelle leur oncle à la rescousse. La solution pour dompter ces jeunes pouliches dévergondées ? Les marier, bien entendu ! Et, en attendant, les enfermer dans leur enclos afin d’éviter qu’elles ne perdent leur valeur marchande, à savoir leur virginité.
Comme on l’entend partout, Mustang est, d’une certaine façon, un Virgin Suicides à la turque. Certes, l’histoire de ces jeunes filles privées de leur droit à vivre et à grandir comme elles l’entendent rappelle celle du film de Sofia Coppola. Certaines images où les corps des adolescentes s’entremêlent, ne formant plus qu’un, ont un air de déjà-vu. Mais à la différence de Virgin Suicides, où le désespoir et le macabre prennent le dessus, Mustang – comme son nom l’indique – est empreint d’une incroyable rage de liberté. Même quand leur maison se transforme en véritable prison, jamais les héroïnes de la réalisatrice franco-turque Deniz Gamze Ergüven ne ploient face à cette société patriarcale qui tente de les étouffer. Même quand on leur fait enfiler des « robes informes couleur de merde », les longues crinières rebelles de Lale, Nur, Ece, Selma et Sonay continuent de flotter dans le vent avec fougue. Avec en clé de voûte, la plus jeune d’entre elles, Lale (jouée par Güneş Nezihe Şensoy, révélation hypnotique crevant l’écran), qui fonce, qui tourbillonne, qui, malgré les murs qui se dressent autour d’elle, est bien décidée à courir au galop jusqu’à Istanbul, à plus de 1 000 km de là. Elle poussera d’ailleurs ses sœurs à braver les interdits pour aller voir un match de foot dont le public, comble de l’ironie, est uniquement composé de femmes suite aux débordements causés par les hommes. Un instant de fraîcheur et d’insouciance qui offre une respiration libératrice et qui rappelle que Deniz Gamze Ergüven nous décrit une triste réalité à travers un conte.
Un conte dont les cinq sublimes princesses nous font rire, nous font pleurer, nous donne envie de courir après le destin comme un cheval sauvage (PARDON, j’étais obligée de la placer celle-là !). Mais le destin qu’elles auront choisi pour elles-mêmes, et non pas celui dicté par une société moralisatrice. Car c’est inutile de tenter de les domestiquer, elles méritent de vivre libres, indomptables, non pas comme des mustangs, mais simplement comme des Femmes.
Ah oui, j’allais oublier : une mention spéciale à la musique de Warren Ellis, le complice de Nick Cave, qui enveloppe le film en douceur, tout en lui conférant un air supplémentaire de liberté.
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MUSTANG – Sortie le 17 juin 2015
Genre : drame
Réalisateur : Deniz Gamze Ergüven
Scénaristes : Deniz Gamze Ergüven, Alice Winocour
Avec : Güneş Nezihe Şensoy, Doğa Zeynep Doğuşlu, Elit İşcan, Tuğba Sunguroğlu, İlayda Akdoğan, Nihal Koldaş, Ayberk Pekcan, Burak Yiğit…
Bande-originale : Warren Ellis
Pour en savoir plus :
– Voir la bande-annonce de Mustang
– La fiche technique complète du film sur Allociné
– Ecouter la belle bande originale de Mustang sur Spotify
Catégories :Critiques