Le problème avec Birdman ? Dès que j’en parle, j’ai une envie incontrôlable de prendre une grosse voix très grave et très caverneuse à la Batman/Dark Vador/Gandalf pas content. Si vous vous demandez pourquoi, c’est que vous n’avez pas encore vu le dernier Iñárritu, grand gagnant des Oscars 2015 (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario original et meilleure photo).
L’autre problème ? C’est que, dès que je commence à écrire quelques mots sur Birdman, j’ai cette image en tête :
Autrement dit, le Batman de mon enfance transformé en Julien Lepers ringard (Michael Keaton) qui essaye de se battre avec le fantasme absolu de mon adolescence affublé d’un fucking slip ridicule (Edward Norton). Difficile de rester concentrée.
L’ultime problème avec Birdman ? C’est que j’ai vraiment pris mon pied… et qu’apparemment, c’est plutôt prohibé. Je pense cependant qu’Iñárritu s’arracherait aussi les cheveux s’il savait ce que j’ai aimé dans son film. A savoir toutes les références à cette (pop) culture qui est la mienne et qu’il méprise plutôt grossièrement. Pour moi, rien de tel que cette mise en abyme où Michael Keaton interprète un acteur déchu rendu autrefois célèbre en incarnant un super-héros à plumes et tentant de monter une pièce de théâtre à Broadway pour s’acheter une crédibilité artistique. Rien de tel que les clins d’œil au passé « blockbusterien » d’Emma Stone (The Amazing Spiderman), d’Edward Norton (L’incroyable Hulk) ou de Naomi Watts (King Kong). Alors que le réalisateur s’en sert pour dénoncer le système, je m’en fous, je prends le contre-pied et je savoure. Certes, le show-business peut bouffer un acteur, au point de le faire devenir schizo/égocentrique/hystérique/alcoolique/drogué/dépressif (plusieurs combinaisons sont possibles). Mais, désolée Iñárritu, ce n’est pas votre critique d’Hollywood qui fait la richesse de Birdman. Non, cette richesse, elle se trouve plutôt chez toutes les autres personnes qui ont contribué à façonner ce petit bijou filmé.
Au-delà de la performance technique d’avoir un plan séquence de 2h (ok, il est truqué), superbement mis en lumière par la photo du génial Emmanuel Lubezki (Gravity, The Tree of Life…), et rythmé habilement par le son des percussions d’Antonio Sanchez (de quoi envoyer Whiplash se rhabiller !), Birdman est avant tout une ode aux acteurs. Avec tous ses défauts. Mais terriblement attachante. Alors, plutôt que de critiquer ce film qui en agace plus d’un, je préfère déclarer ici mon amour à ces gueules de cinéma que j’ai adorées suivre dans les couloirs du St. James Theatre de Broadway.
Riggan Thomson, le personnage de Michael Keaton, a besoin d’être aimé. Et bien, je vais prendre ma grosse voix de Birdman pour m’imposer, je vais me croire aux Oscars et je vais dire, niaisement : ACTEURS, JE VOUS AIME ! Même quand vous jouez dans des blockbusters. Même quand vous jouez dans des films d’auteur. Et même toi, Emma Stone quand tu embrasses Ryan Gosling, Andrew Garfield ou maintenant Edward Norton : sans rancune, je t’aime !
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BIRDMAN (The Unexpected Virtue of Ignorance) – Sortie le 25 février 2015
Genre : comédie, drame
Réalisateur : Alejandro González Iñárritu
Scénaristes : Alejandro González Iñárritu, Nicolás Giacobone, Alexander Dinelaris, Armando Bo
Avec : Michael Keaton, Edward Norton, Emma Stone, Naomi Watts, Zach Galifianakis, Andrea Riseborough, Amy Ryan, Lindsay Duncan…
Bande-originale : Antonio Sanchez
Pour en savoir plus :
– Voir la bande-annonce de Birdman
– La fiche technique complète du film sur Allociné
– Ecouter la bande originale de Birdman sur Spotify
Catégories :Critiques