Jaws in Monterey

« Bienvenue à Monterey, Californie ! Notre station balnéaire est très appréciée pour son air iodé, ses eaux claires et son magnifique aquarium », claironne une voix dans la radio de ma voiture. Les cheveux au vent, je dépasse un immense panneau publicitaire représentant une blonde sur un surf. C’est bizarre… J’ai sans doute mal vu. On aurait dit que quelqu’un avait taggé une sorte d’aileron de requin derrière elle. J’ai du rêver. Je ne me suis pas arrêtée depuis San Francisco et je commence à fatiguer.

VLAM. Je claque la portière de ma voiture. Une fanfare accueille les hordes de touristes. Je m’engouffre dans le hall de l’hôtel pour échapper au vacarme. A l’accueil, une femme au sourire figé me tend la clé de ma chambre.
« On va avoir besoin d’un plus gros bateau ! », crie soudain une voix masculine derrière moi. Je me retourne et je vois trois hommes, dont un en uniforme de police, traverser le hall en coup de vent. Je demande aussitôt à l’hôtesse d’accueil :
« Qu’est-ce qui se passe ?
– Vous n’êtes pas au courant ? Un grand requin blanc traînerait dans les eaux territoriales. Toutes les plages du secteur sont fermées.
– Quoi ??? Mais personne ne se baigne par ici.
– En effet. Ne vous inquiétez pas, ce sont de simples rumeurs. Le maire assure qu’il n’y a aucun danger. L’aquarium reste d’ailleurs ouvert. »

Monterey Bay Aquarium, méduses ©CamdansunfilmLe Monterey Bay Aquarium. Après une bonne heure de sieste, entrecoupée par les chants des éléphants de mer installés sous mes fenêtres, je pénètre dans l’attraction du coin. J’ai la tête dans le brouillard et je ne sais plus trop si les paroles de l’hôtesse faisaient partie de mon rêve. Quoi qu’il en soit, je ne risque pas grand chose en gardant les pieds au sec. Et rien de tel que de suivre les mouvements envoûtants des méduses pour continuer à planer en douceur. Le nez collé contre la vitre, je suis des yeux ces corps flasques et transparents qui se muent doucement dans l’eau bleu azur. J’en oublierais presque les cris des enfants surexcités qui courent dans tous les sens autour de moi. Tout semble si paisible dans le monde marin de ces grosses gelées vivantes…

« C’est l’heure du repas, annonce une voix dans le haut-parleur, rendez-vous devant le bassin principal qui donne sur l’océan pour voir notre plongeur nourrir les poissons ! »
Aussitôt, les mômes se précipitent vers l’aquarium en question. Cela doit valoir le coup. Je les suis et je m’assieds face à une immense paroi en verre où tourbillonnent des bancs de thons et de sardines. C’est étrangement calme. Même les enfants sont assis, subjugués par les cercles que forment les poissons. Soudain, une masse sombre plonge dans le bassin. C’est un homme équipé d’une combinaison, d’un masque et d’une bouteille de plongée. Il nous souhaite la bienvenue, à travers le haut-parleur. Je n’entends plus que sa respiration calme et les clapotis de l’eau. Un enfant avance vers l’aquarium et colle ses mains sur la vitre. Un autre, assis à côté de moi, joue avec une peluche en forme de pieuvre. C’est alors que le plongeur lève la main. L’eau se brouille, les mouvements des poissons s’affolent : la nourriture est lâchée. Le gamin près de la paroi pousse un cri et se met à secouer les bras. Je me redresse en sursaut. Une ombre plane de l’autre côté de la vitre.
« Pas de panique, rassure le plongeur, il s’agit d’une raie. Si vous vous approchez, vous pourrez les voir se cacher dans le sable, en bas du bassin. Il y a également quelques petits requins qui attendent leur repas. Vous ne risquez rien, ils sont inoffensifs pour l’homme. »
Gloups. Des requins. Cela ne semble cependant pas inquiéter les enfants, qui se sont approchés en bande pour scruter les profondeurs du bassin. Le plongeur continue de nourrir les poissons. J’entends toujours sa respiration. Mais avec les tournoiements des animaux, l’eau est devenue trouble et je ne discerne plus grand chose. Une femme attrape un petit garçon coiffé d’un bonnet en forme de requin, juste devant moi :
« Enlève ce bonnet Harry, grogne-t-elle. »
Elle me bloque la vue. Agacée, je me décale légèrement vers la droite. Les enfants s’agitent toujours face à la vitre. L’un d’eux commence même à taper contre le verre en chantant. Fini le calme, le vacarme a repris le dessus. Les cris des mômes se mélangent au bruit de l’eau qui claque contre la vitre, à la surface du bassin. Le bambin avec sa peluche pieuvre la secoue dans tous les sens en imitant le son des vagues. Pour couronner le tout, une petite musique stridente vient de se déclencher. Avec tout ce boucan, je n’entends même plus la respiration du plongeur… LE PLONGEUR ! Une palme vient d’apparaître de l’autre côté de la vitre. Elle se balade sans son propriétaire. Je me lève d’un bond et je crie :
« Vous avez vu ça ? »
Un tourbillon se forme dans l’eau. BAM ! Quelque chose vient de se cogner violemment contre la paroi. Un enfant hurle. Tout le monde hurle. Le plongeur est là, face à nous, écrasé contre la vitre, une jambe en moins, au milieu d’une eau totalement… rouge.
« DU SANG !!! rugit un homme. »
En un éclair, tous les parents se précipitent vers le bassin pour en éloigner leurs enfants. En même temps, une masse sombre se dessine dans l’aquarium. Mon sang se glace. Je suis paralysée par la peur. Les bancs de poissons se sont dispersés. La panique autour de moi résonne en sourdine dans ma tête. La masse devient de plus en plus grosse. Elle s’approche. Les gens se piétinent, se poussent, tombent, restent effarés face à ce qui arrive. C’est alors que je le vois distinctement. Bordel, il est géant. Sa gueule béante laisse entrevoir des dents monstrueuses et toutes ensanglantées. Il arrive. Je recule au ralenti. Je trébuche. Quelqu’un me rattrape et tente de me tirer vers la sortie. Les cris continuent de retentir autour de moi. IL ARRIVE !!! Droit sur nous. UN ENORME REQUIN BLANC FONCE SUR NOUS. Et, tandis qu’il donne un grand coup contre la vitre du bassin et que les premières fissures se forment, je réalise enfin qu’il ne s’agissait malheureusement pas de rumeurs. SPLASH !

Cam' dans un film

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Un texte inspiré de…

Les Dents de la Mer de Steven Spielberg LES DENTS DE LA MER (JAWS) – 1975

Genre : horreur, thriller
Réalisateur : Steven Spielberg
Scénaristes : Carl Gottlieb et Peter Benchley d’après l’œuvre de ce dernier
Avec : Roy Scheider, Robert Shaw, Richard Dreyfuss, Lorraine Gary, Murray Hamilton…
Bande-originale : John Williams

Pour en savoir plus :
– Pour voir l’extrait des Dents de la Mer qui a inspiré ce texte, c’est ici !
Voir la bande-annonce des Dents de la Mer
« You’re gonna need a bigger boat » : attention, extrait culte et apparition de la grosse bêbête !
– La fiche technique complète du film sur Allociné
– Ecouter la mythique bande originale des Dents de la Mer sur Spotify
– Et sinon, en vrai, l’aquarium de Monterey est un endroit paisible sans aucun danger : pour vous détendre, vous pouvez même regarder les méduses ici.

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