1940, Angleterre. Bonjour, monsieur Turing. Votre mission, si toutefois vous l’acceptez, est de décrypter les codes secrets envoyés par la machine allemande Enigma pour déjouer les plans des nazis et faire en sorte que les Alliés remportent la guerre.
STOP ! A lire ces mots, on croirait avoir affaire à un film d’espionnage où un héros survitaminé va sauver le monde, à gros renfort de courses-poursuites, bastons et verres de Vodka-Martini. Je fais fausse piste, cela n’a rien à voir avec l’histoire (vraie) du mathématicien, cryptologue et Father of Computers Alan Turing ! Il faut dire que contrairement à ce génie de la logique, mon esprit n’a rien de cartésien. Difficile donc de résoudre le problème d’une critique claire et concise sans s’enflammer. Essayons tout de même une nouvelle fois, si vous le voulez bien…
Voici l’énoncé : Alan Turing est mathématicien. Le gouvernement britannique le charge de décoder les messages de la machine nazie Enigma, réputée inviolable.
La question : comment fait-il ?
La résolution du problème… Et bien, pour tout vous dire, après avoir vu Imitation Game, je suis toujours incapable de vous expliquer comme Alan Turing a fait pour décrypter Enigma. Certes, le film nous montre sa création : une machine, ancêtre de nos ordinateurs, qui a réussi à percer le mystère. Mais comment elle fonctionne, je n’en ai aucune idée. Et ce n’est pas parce que je ne calcule rien aux maths ou à la logique. Non, c’est juste que le film ne se concentre pas sur cet aspect et que toute démonstration est rapidement évacuée. A croire que les mathématiques ne sont pas assez sexy pour le spectateur et que, de toute façon, il n’y comprendrait rien. C’est sûrement vrai. Mais quand on va voir le biopic d’un scientifique, on accepte de subir quelques équations, et pas uniquement quand c’est la jolie Keira Knightley (alias Joan Clarke, collègue et fiancée éphémère de Turing) qui les résout ! Dommage donc que le réalisateur norvégien Morten Tyldum ne s’attarde pas plus sur cette innovation qui aurait permis de raccourcir la Seconde Guerre mondiale de deux ans.
Plutôt que l’Histoire et la science, Morten Tyldum préfère explorer la psychologie de son personnage. Il présente Turing comme un génie socialement inadapté, limite autiste. Etrange, quand on lit que, dans la réalité, le mathématicien s’intégrait parfaitement au monde humain. Enfin bref, un biopic n’interdit pas de prendre des libertés pour faire ressortir la portée dramatique d’un destin. Et quel destin tragique que celui d’Alan Turing qui fut accusé et condamné à la castration chimique pour homosexualité en 1952, qui se suicida en 1954, et qui fut gracié par la reine Elisabeth II… en 2013 seulement ! Morten Tyldum expose cette injustice terrible, mais ne prend pas vraiment position pour dénoncer cette facette peu glorieuse de l’Angleterre. A tel point qu’Imitation Game reste un peu trop lisse, un peu trop propre et qu’on regrette presque qu’un David Fincher, par exemple, n’ait pas apporté une patte plus dérangeante. Parce que, oui, évoquer la mort à venir de Turing en incluant, dans deux scènes quasi-comiques, du cyanure puis des pommes (le mathématicien aurait mis fin à ses jours en croquant dans une pomme empoisonnée au cyanure), ce n’est pas ce qu’on peut appeler s’engager ! C’est même plutôt maladroit.
Heureusement, dans ce biopic très académique, une pépite tire son épingle du jeu. Il s’agit de l’interprète d’Alan Turing, Benedict Cumberbatch. Alors qu’on aurait pu craindre qu’il se contente de nous refaire du Sherlock, l’acteur anglais parvient à se renouveler, à saisir toutes les nuances de cet autre geek solitaire, à sublimer le film et (damned !) à me faire pleurer !
Autant dire qu’à ce stade, j’ai perdu toute la rationalité que je vous avais promise au début. Pour me faire pardonner, je vous propose une petite équation qui, j’en suis sûre, résumera très mal Imitation Game :
Un Benedict Cumberbatch grandiose et émouvant + une mention spéciale pour Alex Lawther, l’acteur qui joue Alan Turing jeune + une Keira Knightley pour faire joli + trois temporalités bien gérées + une photo soignée d’Oscar Faura + une musique propre d’Alexandre Desplat + un brin de geekerie, mais pas trop quand même + beaucoup de classicisme + X = Imitation Game
A vous de déterminer ce que cache l’inconnue X. Pour ma part, j’ai cherché. J’ai bien cherché ce petit grain subversif qui aurait permis de résoudre l’équation d’un biopic pas seulement formaté pour les Oscars. Mais, aujourd’hui, je n’ai toujours pas eu mon « Eurêka ».
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IMITATION GAME – Sortie le 28 janvier 2015
Genre : biopic, drame
Réalisateur : Morten Tyldum
Scénariste : Graham Moore, d’après l’œuvre d’Andrew Hodges
Avec : Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, Matthew Goode, Allen Leech, Matthew Beard, Mark Strong, Charles Dance, Alex Lawther, Rory Kinnear…
Bande-originale : Alexandre Desplat
Pour en savoir plus :
– Voir la bande-annonce d’Imitation Game
– La fiche technique complète du film sur Allociné
– Ecouter la bande originale d’Imitation Game sur Spotify
– Alan Turing, un génie dans la guerre : voir le FutureMag d’Arte sur le mathématicien
Catégories :Critiques