« Calumet », « Calure », « Calvados »… ah voilà, « Calvaire » : « monument en plein air représentant la Crucifixion du Christ ; période d’intense questionnement personnel ou de souffrance morale ». En somme, un film qui porte ce nom ne présage rien de très joyeux. Cela se confirme quand j’entre dans l’église du père James et que je surprends une conversation en provenance du confessionnal (honte à moi, mécréante !). L’un de ses paroissiens, dont je ne peux voir le visage, est en train de lui raconter qu’enfant, il a été violé par un prêtre. Il souhaite aujourd’hui se venger. Son bourreau étant mort, il décide de s’en prendre à un représentant de l’Eglise qui fait le bien autour de lui. Une façon de marquer davantage les esprits. Il annonce donc au père James qu’il a une semaine pour mettre de l’ordre dans ses affaires et qu’il le tuera le dimanche suivant, sur la plage.
A ce moment-là, j’ai grandement besoin d’un remontant, comme par exemple plonger mes lèvres dans la mousse onctueuse d’une Guinness. Sans cela, je ne sais pas si je vais tenir 1h39 avec un sujet aussi sombre et pesant. Dès la scène suivante, quand le père James se retrouve seul avec un enfant de cœur après la messe, je sens mon angoisse monter et je cache mon nez dans la bière brune au parfum de caramel. Mais, le réalisateur John Michael McDonagh est beaucoup plus malin que ça. Il écarte ma pinte, me rappelle que son prêtre est vertueux et éloigne aussitôt mon malaise en injectant dans son Calvary une bonne dose d’humour noir. « Tu vas être en retard pour ton rendez-vous avec la mafia ? », demande le père James à l’enfant qui prend soudain des airs de P’tit Quinquin. BAM, en seulement quelques répliques grinçantes, me voilà happée au fin fond de l’Irlande. Et, alors que le compte à rebours a commencé, je pars avec le père James à la rencontre des habitants névrosés de sa paroisse pour une partie de Cluedo sur fond de paysages sauvages sublimes où les collines verdoyantes, le ciel gris et la mer déchirée écrasent les quelques âmes échouées là.
Qui peut donc en vouloir au père James, cet ours au cœur tendre joué par un Brendan Gleeson au sommet de son art ? Est-ce le médecin athée à l’humour caustique (Aidan – Littlefinger – Gillen), le boucher cocu plutôt agité (Chris O’Dowd), l’amant mécanicien qui ne veut pas être jugé (Isaach de Bankolé), le spéculateur financier accablé par la culpabilité (Dylan Moran), ou le patron du pub qu’il ne faut pas chercher (Pat Shortt) ? Le père James prétend le savoir. Mais il ne me le dira pas. Chacun semble avoir des raisons de lui en vouloir et, au fur et à mesure que le fatidique dimanche approche, l’étau se resserre. L’atmosphère devient à nouveau pesante et je rattrape ma Guinness pour me donner un peu de courage. Et hop, une gorgée de bravoure parce que je me suis attachée au père James, non pas en raison de ce qu’il représente, mais de son humanisme à toute épreuve. Une autre gorgée parce qu’avant d’entrer dans les ordres, il avait une vie de famille le rattachant au royaume des mortels. Allez, une dernière gorgée parce que, justement, j’assiste aux retrouvailles touchantes avec sa fille Fiona, une jeune femme psychologiquement fragile jouée par la belle Kelly Reilly.
Ce n’est donc pas la question de la foi en déclin dans la société irlandaise moderne qui m’émeut dans Calvary, mais la solitude de cet être humain face à son entourage tourmenté. Et alors que nous parvenons au dimanche, je me rends compte que ma bière est vide. Comment donc affronter la résolution du mystère ? Une deuxième, s’il vous plaît ! Je la vide à moitié, je jette un coup d’œil au père James et je me lance enfin : « J’accuse, sur la plage, le… BIP BIP BIP… ».
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CALVARY – Sortie prévue le 26 novembre 2014
Genre : thriller, comédie dramatique
Réalisateur : John Michael McDonagh
Scénaristes : John Michael McDonagh
Avec : Brendan Gleeson, Kelly Reilly, Dylan Moran, Aidan Gillen, Chris O’Dowd, Isaach de Bankolé, Marie-Josée Croze…
Bande-originale : Patrick Cassidy
Pour en savoir plus :
– Voir la bande-annonce de Calvary
– La fiche technique complète du film sur Allociné
– Ecouter la bande originale de Calvary sur Spotify
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