Je ne sais pas pourquoi, même si je suis plutôt moche, Cam’ m’emmène toujours quand elle part seule en voyage. Peut-être parce que mon ancienneté me rend plus douce. Et que face à l’inconnu et aux moments de doute, je lui apporte un brin de réconfort. Vous ne me croyez pas ? Démonstration en trois destinations.
Septembre 2005. Cam’ agit sur un coup de tête et accepte un stage de 6 mois à Madagascar. A peine une demi-heure après son arrivée à Antananarivo – quand le chauffeur de la Quatre Ailes jaune qui lui sert de taxi coupe le moteur dans une descente pavé pour économiser de l’essence – elle regrette d’avoir quitté son confort. Nous devenons alors inséparables. Nous passons la plupart de notre temps près de la fenêtre de son appartement, à observer le monde extérieur. Je crois qu’elle a peur d’affronter les mains agrippées des enfants affamés et, surtout, qu’elle se sent terriblement seule. Elle a honte d’écorcher les noms si longs de ses collègues et elle s’en veut de ne réussir à dire en malgache que « bonjour », « au revoir », « merci » et « vous avez du feu ? ».
Un mois avant son retour en France, elle m’emmène à Morondava pour voir les baobabs. Mais alors qu’un spectacle éblouissant s’offre à elle, je sens bien que ça ne lui fait rien du tout. Son malaise grandit quand, en rentrant à l’hôtel, elle découvre deux gros porcs européens en compagnie de très jeunes filles malgaches. Elle s’enferme alors dans son bungalow et passe le reste du séjour à traîner avec moi sous sa moustiquaire, en cherchant comment organiser une évasion pour s’éclipser de cet hôtel, de ce village et enfin de ce pays.
Août 2007. Cam’ quitte définitivement Toulouse pour aller s’installer très loin de chez elle… à Paris. Avant le grand départ, elle me glisse dans sa valise. Adieu l’accent chantant, les chocolatines et la Garonne ! Je suis désormais le seul souvenir de sa vie paisible en province. Mais là, dans son petit studio de 11m2 avec WC sur le palier, elle va découvrir qu’elle ne peut plus se promener librement avec moi. Face aux regards plus ou moins bien intentionnés de ses voisins, elle doit renoncer à m’exhiber. Je deviens cependant la bonne copine des soirées déprime. Et c’est à cette époque, pendant qu’elle rêve au prince charmant en regardant Dirty Dancing, que je développe une vraie passion pour les fesses de Patrick Swayze.
Décembre 2012. En pleine crise existentielle, Cam’ arrive à San Francisco après avoir passé trois jours avec moi dans un bus douteux. Autant vous dire que je ne me sens pas fraîche du tout et que, jamais, je n’ai autant apprécié l’eau chaude et le savon ! Une fois lavée, je me retrouve mise au placard. Mais au bout de quelques jours, alors qu’elle regarde, seule, le soleil se coucher sur le Golden Gate Bridge, sa mélancolie repointe le bout de son nez. A partir de ce moment, plus rien – y compris les œufs Benedict de chez Mama’s – ne pourront la consoler… Enfin presque plus rien. Vous l’aurez compris, c’est là que je fais mon grand retour.
Nous passons alors beaucoup de temps à errer dans sa chambre. Du moins jusqu’à ce qu’une touriste japonaise débarque, chose qui arrive quand on loge dans un dortoir d’auberge de jeunesse. Mes sorties au grand air se font plus rares, mais Cam’ sait qu’elle peut compter sur moi pour un moment de détente, tous les soirs, quand elle se glisse dans son lit superposé.
Aujourd’hui, Cam’ a (enfin) un homme dans sa vie. Elle ne part plus seule au bout du monde, et elle m’a rangée tout au fond de son tiroir. Malgré cela, elle me sort encore de temps en temps, quand elle est seule. Elle ferme les rideaux et se promène toute la journée en m’arborant fièrement. Et même si je commence à être particulièrement délavée et à voir – horreur – mes premiers fils partir dans tous les sens, elle ne me jettera pas de sitôt. Car après tout, je sais bien que, jamais, elle ne renoncera au plaisir rassurant de traîner avec moi, sa petite culotte préférée.
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Un texte inspiré de…
LOST IN TRANSLATION – 2004
Genre : comédie dramatique
Réalisateur : Sofia Coppola
Scénariste : Sofia Coppola
Avec : Bill Murray, Scarlett Johansson, Giovanni Ribisi, Anna Faris…
Bande originale : Brian Reitzell, Kevin Shields
Pour en savoir plus :
– « For relaxing time… » : le vrai slogan en vidéo (et une raison de plus de craquer pour Bill Murray)
– Voir la bande-annonce de Lost in Translation
– La fiche technique complète du film sur Allociné
– Les différentes théories sur le chuchotement de Lost in Translation
– Sofia Coppola parle du film à l’occasion de son 10e anniversaire. Lire l’interview
– Et allez, cadeau (parce que je sais qu’on ne s’en lasse jamais) : voici la mythique petite culotte rose de Scarlett Johansson en vidéo
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