Comme Angela, j’ai eu 15 ans dans les années 1990

Quand William est là, même si je ne le vois pas, tout mon être le sent. C’est comme une évidence. Cette façon qu’il a de se tenir, les bras croisés et les yeux fermés, ça me rend folle. Si seulement je pouvais me faire toute petite et me glisser au chaud dans sa vieille chemise. Si seulement il pouvait me regarder rien qu’une seule fois… Le problème, c’est que je ne fais pas partie de celle qu’on remarque. Ma meilleure amie Anita, elle, en fait partie. Elle ne pense pas que la terre entière va l’engloutir dès qu’elle ouvre la bouche. Elle connaît tout le monde. Elle a déjà embrassé cinquante-trois garçons et une fille. Ils sont tous secrètement amoureux d’elle. Je ne sais plus très bien pourquoi elle a voulu devenir mon amie. Je ne vois pas ce qui l’intéresse chez moi. Je ne suis pas moche, je suis juste normale. Mais jusqu’ici, je m’en contentais.

Ce soir, j’ai réussi à échapper à mes parents pour venir à la fête de Marion. Cela doit bien faire une heure que je suis assise sur la même chaise à regarder les autres danser quand un garçon de ma classe s’approche :
« Tu veux danser ? me dit-il.
– Non, pas avec toi. »
Merde, j’ai été un peu dure. J’essaye de me rattraper :
« Je voulais dire… Enfin, c’est juste que je n’aime pas danser.
– Moi non plus. »
J’hallucine, il s’assied à côté de moi. Comment faire pour qu’il comprenne que c’est mort ?
« Je n’aime pas ces soirées, dit-il.
– Moi non plus. Personne ne s’amuse vraiment. »
Il ne bouge pas mais arrête de me parler. Je m’ennuie. Je croise le regard de Chloé, mon ancienne meilleure amie. Je la connais depuis qu’on est toute petite mais, depuis quelque temps, on s’est éloignée l’une de l’autre. Je crois que c’est le jour où j’ai commencé à traîner avec Anita. Depuis, elle m’en veut à mort. J’aimerais faire la paix mais je ne vois pas bien comment m’y prendre. Après tout, c’est elle qui a commencé à faire la gueule. Soudain, Anita se jette sur moi :
« Cam’, tu as vu qui est arrivé ? »
Ohlala, William est là. Il est venu ! Je sens que je rougis. Mais pourquoi je rougis ? Il ne m’a même pas adressé la parole.
« Ecoute, file dans la chambre, je vais lui parler. Je vais tout arranger.
– Tu vas arranger quoi ? Je ne veux pas que tu ailles lui parler !
– Aie confiance. Va dans la chambre. Je t’assure qu’il va venir.
– Je ne t’ai pas dit que je l’aimais pour que tu lui répètes Anita !
– Mais arrête ! Je ne vais pas lui dire. Je vais juste… provoquer les choses. Allez, va dans la chambre, m’ordonne-t-elle avec un sourire diabolique. »
J’obéis, sans trop savoir pourquoi. Je sens que je vais encore me prendre un vent.

Dans la chambre, je ne sais pas trop où me mettre. Je découvre un grand placard vide et je me dis que je pourrais m’y cacher pour qu’il ne me voie pas – si jamais il venait. Je m’y glisse et j’attends. J’attends. L’angoisse monte. Mais qu’est-ce que je vais lui dire s’il vient ? Qu’est-ce que je dois faire ? Je n’ai jamais embrassé personne. Anita m’a expliqué comment faire. Pourvu que je m’en rappelle… Ça va, mes cheveux sentent bon, j’ai fait un shampooing ce matin. Est-ce qu’il va aimer mes vêtements ? J’aurais peut-être dû mettre ma salopette finalement… C’est alors que j’entends un bruit de pas.
« Camille ? »
Mon cœur se met à battre à toute vitesse. C’est lui ! Mais qu’est-ce que je fais dans un placard ?! Allez, un peu de courage. J’en sors et je tombe nez à nez avec lui. Vite, il faut que je me justifie :
« Je… J’aime bien fouiller partout. »
Mais qu’est-ce que je dis ? S’il pouvait y avoir un bouton où appuyer juste pour m’arrêter de parler… Il n’ouvre pas la bouche. S’il te plaît, dis quelque chose… Il s’approche de moi. IL S’APPROCHE DE MOI. Je fais quoi ? Au secours ! Je recule. Il avance toujours. Je me retrouve dans le placard. Il est à quelques centimètres de moi. Mon cœur va lâcher. Il appuie sa main contre le mur, au-dessus de moi. Il approche sa tête de la mienne. Mon cerveau va exploser. Il entrouvre les lèvres et chuchote :
« Pourquoi tu es comme ça ?
– Comme quoi ?
– Comme t’es. »
Et c’est à ce moment-là, au fond du placard, qu’il m’embrasse. William, le garçon dont je suis amoureuse depuis six mois, le garçon dont je rêve toutes les nuits, le garçon qui me rend pensive à longueur de journée, est en train de M’EMBRASSER. Il sent la cigarette, mais ce n’est pas grave : il m’embrasse ! Tout à coup, il dégage ses lèvres des miennes. Il a entendu quelque chose. Quelqu’un est entré dans la chambre :
« Will, tu es là ? »
Il met un doigt devant ma bouche pour que je ne fasse pas de bruit. On attend un instant comme ça. L’autre finit par sortir. Il ne nous a pas vus.
« Est-ce que ce baiser, ça peut rester notre secret ? me demande-t-il.
– Mais pourquoi ? »
Il ne répond pas et se sauve. Il me laisse seule dans le placard.

Je vais sortir de la chambre quand je l’entends discuter avec son copain :
« Qui tu caches dans cette chambre ?
– Une nana.
– Qui ?
– Personne. »
Je me rends alors compte qu’en seulement cinq minutes, je viens de connaître mon premier baiser et ma première déception amoureuse.
Cam' dans un film

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Un texte inspiré de…

Angela, 15 ans - My so-called life ANGELA, 15 ANS (MY SO-CALLED LIFE) – 1994

Genre : Série TV – Comédie dramatique
Créé par : Winnie Holzman
Avec : Claire Danes, Jared Leto, Tom Irwin, Bess Armstrong…
Bande originale : W.G. Snuffy Walden (musique du générique)

Pour en savoir plus :
Voir le générique d’Angela, 15 ans
– Un petit cadeau pour toutes les filles de mon âge qui sont tombées amoureuses de la coolitude de Jordan Catalano : voir la vidéo (attention, retour en adolescence !)
– La fiche technique de la série sur Allociné
– La chemise de bûcheron d’Angela, c’est tendance ! Mais comment la porter pour ne pas avoir l’air de sortir des bois ?


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