En plein cœur de l’Auvergne, quelque part au milieu des volcans endormis et des forêts de sapins, se cache le petit royaume de mon amie Camille la Rouge. Pour y accéder, il faut compter une heure depuis Clermont-Ferrand à dos de Fiat Ulysse. Peu de monde ose s’aventurer jusque-là et les rumeurs que l’on entend sur cette lointaine contrée finissent de décourager les plus aventureux des hommes. Mais mes copains et moi, nous nous sommes quand même décidés à aller braver le danger le temps d’un week-end.
Lorsque je pose le pied sur les terres glacées d’Auvergne, je sens aussitôt le froid s’infiltrer au plus profond de moi. N’ayant pas de peau de bête à disposition, je me contente d’une polaire rose et violette. Je respire à plein poumons le grand air de la montagne. Face à moi, la chaîne des volcans se dresse fièrement. Tandis que je savoure le plaisir d’être arrivée jusque-là, un homme du coin s’approche de moi et me fait un signe de la main :
« L’hiver vient, me confie-t-il ».
Quelque chose m’a échappé. Il me semblait que nous étions en mai. Je vais lui faire remarquer, quand je me rends compte qu’il a disparu.
Après avoir pris possession des lieux, nous décidons d’aller marcher en forêt. Il s’est mis à pleuvoir. L’eau parvient à s’engouffrer à travers mon K-Way et me glace le sang. Plus nous avançons, plus les sapins se resserrent et plus l’obscurité s’empare de la forêt. Je patauge dans la boue. Quelle idée d’avoir mis des Converse ! Une de mes amies me pousse pour que je tombe dans une flaque, mais je me rattrape juste à temps à une branche de sapin. Aïe, les épines ! Je décide alors de marcher quelques mètres derrière le groupe pour mieux réfléchir à ma vengeance. L’enfant qui nous accompagne me rejoint et m’attrape la main. Il a vu quelque chose dans la forêt. Je n’ai pas vraiment envie de sortir du sentier, mais il m’entraîne. Nous nous enfonçons entre les arbres. Ils sont si hauts que je ne vois plus le ciel. Comment peut-il faire si sombre en pleine journée ? Je ne vois pas à vingt mètres et je ne suis pas rassurée. Je tire l’enfant par la main pour rejoindre le chemin et les autres. Tiens, d’ailleurs, je ne les entends plus… C’est alors que je sens quelque chose passer derrière moi, comme un courant d’air. Je me retourne. Rien. Mes mains tremblent. J’attrape l’enfant, je le mets sur mes épaules et je commence à courir. J’entends un bruit. J’accélère. Les branches me griffent le visage mais je ne ralentis pas. Où est ce foutu chemin ? Le noir m’enveloppe. L’enfant s’agrippe à mes cheveux. Il a peur. Je suis essoufflée et paniquée. Une branche craque :
« Cam’ ? crie une voix de femme. Cam’, tu es où ? »
Sauvée, ce sont les autres ! Je reprends ma course, en direction de la voix, et j’atterris sur le chemin. Je pose l’enfant et je m’écroule sur un tas de mousse.
« Mais qu’est-ce que tu faisais ? Ça va ? Tu as l’air terrifiée.
– Je me suis trop enfoncée dans la forêt. Je ne retrouvais plus le chemin.
– Tu as eu peur ?
– Il semblerait.
– C’est bien.
– Pourquoi ?
– Ça veut dire que tu n’es pas bête. »
Je lève les yeux vers mon amie, stupéfaite :
« Que… Quoi ? »
Elle m’aide à me relever sans me répondre et nous reprenons la route.
De retour à la forteresse, je retrouve l’un de nos hommes en train de dépecer un chevreuil avec une machette de boucher. Je crois que je vais vomir.
« Est-ce qu’on va vraiment manger cette chose ?
– Bien sûr ! Tu vas voir, tu vas adorer, fait-il en riant. »
C’est répugnant. Mais je ne sais pourquoi, je m’assieds juste en face de la bête et j’observe. L’homme s’est emparé d’un couteau aiguisé. Il découpe la bête en donnant des coups précis. On dirait qu’il a fait ça toute sa vie.
« Alors, il paraît que tu as eu une petite frayeur dans la forêt, dit-il tout en continuant à trancher la chair.
– Je vois que les nouvelles vont vite. Il faisait vraiment noir…
– Tu n’as pas besoin de te justifier. On raconte certaines choses sur cette forêt.
– Je ne crois pas à ces choses-là.
– Tu devrais. »
C’est alors qu’un cor sonne au loin. Je rigole et demande :
« Qu’est-ce que c’est ? C’est la saison de la chasse ?
– Non, ce sont des signaux envoyés par la garde de nuit.
– Euh… tu te fous de moi ? La garde de nuit ?
– Oui, ils surveillent les alentours. Ils protègent les bêtes des attaques de loups et les hommes du reste.
– Il n’y a plus de loups en Auvergne ! »
Il ne me répond pas et continue à s’acharner sur le chevreuil. Son tablier est couvert de sang.
« Le cor sonne une fois pour saluer le retour des gardes après une longue patrouille. Il sonne deux fois pour signaler une attaque de loups. Et il retentit trois fois quand… »
Il s’interrompt, pose son couteau, saisit la jambe de la bête et la sectionne en deux avec la seule force de ses mains. Du sang gicle sur son visage.
« Allez, dis-moi ! Ça signifie quoi quand il sonne trois fois ?
– On dit que trois signaux annoncent l’approche des Marcheurs Blancs.
– Quoi ? Qu’est-ce que c’est ? »
Il pose la jambe sur la table et essuient ses mains ensanglantées avec un torchon. Il s’approche de moi et, en me regardant droit dans les yeux, il chuchote :
« Ce ne sont que des histoires, mais mieux vaut que tu ne saches pas… ».
Il me laisse seule avec la jambe. Un frisson me parcourt le dos. Je me lève aussitôt et je rejoins les autres.
La nuit est tombée. Je fume une cigarette avec une amie devant la bâtisse. Il fait tellement noir que je ne vois pas ma main lorsque je tends le bras. Les étoiles se cachent derrière les nuages. Je distingue vaguement les sapins de la forêt qui dessinent de grandes ombres dans le ciel. Soudain, les phares d’une voiture approchent. Un homme vêtu de noir en surgit :
« Je fais partie de la garde de nuit. Je cherche un Rottweiler. Est-ce que vous l’auriez vu ?
– Un quoi ?
– Un Rottweiler. Vous n’avez rien vu ?
– Euh, non. »
Il retourne dans la voiture et démarre en trombe. Nous explosons de rire, tout en allumant une autre cigarette. Je souffle dans mes mains frigorifiées pour tenter de les réchauffer. Entre le froid et moi, l’un de nous deux est définitivement de trop, et lui ne semble pas décidé à s’en aller. C’est alors qu’une sonnerie de cor retentit.
« Il n’y a pas d’heure pour faire de la musique apparemment ! dit mon amie.
– Il paraît que c’est pour signaler le retour de la garde de nuit.
– Pfff… »
Tout à coup, le cor retentit une deuxième fois. Mon sang ne fait qu’un tour. Je ne crois pas aux histoires qui font peur, mais là, il fait quand même sacrément noir. Et un Rottweiler se promène en liberté.
« Viens, on rentre, dis-je à mon amie en l’attrapant par le bras.
– Mais attends, je n’ai pas fini de fumer ma cigarette. Qu’est-ce que tu as ? Tu as peur ? »
Oui, j’ai peur ! J’ai tellement peur que je ne peux plus bouger. Au loin dans la forêt, j’ai cru apercevoir deux petits ronds bleus fluorescents qui se déplaçaient. Et soudain, le cor sonne une troisième fois…
Un dessin de Nams : voir son blog
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Un texte inspiré de…
LE TRÔNE DE FER (GAME OF THRONES) – A partir de 2011
Genre : Série TV – Heroic Fantasy
Réalisateurs : David Benioff, D.B. Weiss, Daniel Minahan, David Nutter, Alex Graves
Scénaristes : D.B. Weiss, David Benioff, George R.R. Martin, Vanessa Taylor
Avec : Lena Headey, Emilia Clarke, Michelle Fairley, Sean Bean, Peter Dinklage, Nikolaj Coster-Waldau, Kit Harington, Aidan Gillen…
Bande originale : Ramin Djawadi
Pour en savoir plus :
– Voir la bande annonce de la saison 1
– Voir la bande annonce de la saison 2
– Voir la bande annonce de la saison 3
– Quel vin boire en regardant Game of Thrones ?
– La fiche technique complète de Game of Thrones sur Allociné
– Ecouter la bande-originale de la série sur Spotify
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