Il fut un temps où je pouvais passer des heures à regarder Bear Grylls ramper dans la boue, manger des insectes gluants, boire de l’urine ou dormir dans des cadavres d’animaux pour ne pas mourir de froid la nuit en Alaska. J’aimais ça, je ne trouvais même pas cela ridicule et j’en redemandais toujours. Il faut croire que j’ai grandi. Ou alors, tout simplement, que Leonardo DiCaprio n’a pas le potentiel de survivor de Bear Grylls…
Parce que, oui, globalement et pour caricaturer, The Revenant ressemble à un épisode de Man Vs.Wild : dans une Amérique sauvage, Hugh Glass (Leonardo DiCaprio) est laissé pour mort et abandonné par ses coéquipiers après avoir été attaqué par un ours. Il va cependant trouver la force et la rage suffisante pour survivre et entamer un périple harassant, à travers un milieu naturel hostile, le tout pour se venger. Autant vous dire que Leo va en baver, au sens propre du terme. Rien ne va lui être épargné. A tel point que cette surenchère de mouise peut fatiguer. De mon côté, elle m’a épuisée.
Mais cet épuisement, il vient aussi de l’étalage des savoir-faire qui laisse cruellement perplexe. Certes, Alejandro González Iñárritu offre à The Revenant un très bel emballage. Filmé en lumière naturelle, dans des conditions extrêmes, il est incontestable que nous assistons à une vraie prouesse technique. Le directeur de la photo, Emmanuel Lubezki (Birdman, Gravity, The Tree of Life), fait comme d’habitude des merveilles. Cependant, The Revenant procure à peu près la même sensation qu’un Kinder Surprise : un beau papier brillant, un chocolat qui vend du rêve et puis, pouf, un trou avec un jouet en plastique tout nul au milieu. La déception de la coquille vide. Iñárritu jette de la poudre aux yeux mais cela manque de subtilité pour passer inaperçu. A force de vouloir épater et asseoir sa légitimité, il en a oublié d’ajouter un ingrédient essentiel à son film : un zeste de modestie.
Et ce manque de modestie, il faut bien l’avouer, il vient aussi de son acteur principal. Car même si, comme moi, vous aimez Leonardo DiCaprio d’amour tendre depuis que vous avez 12 ans, que vous l’avez vu devenir un homme, un grand acteur, que vous faites des incantations chaque année pour qu’il décroche enfin un Oscar… vous devez admettre que vous ne lui auriez justement pas donné pour The Revenant. OUI TOUT A FAIT, pas pour ce film-là ! Pour tous les autres, pour toute sa carrière, mais pas pour cette prestation où il en fait des caisses, quitte à devenir parfois grotesque (des histoires de bave, toujours). L’esbroufe est à ce point totale que vous n’avez ressenti aucune empathie pour son personnage et que vous ne vous êtes, à aucun moment, préoccupé de son sort funeste.
The Revenant n’en demeure pas moins un film à aller voir. Pour l’expérience. Pour la beauté des paysages gigantesques. Et pour l’excellent Tom Hardy en méchant, très méchant. Il peut éblouir. Birdman m’avait ébloui, par son originalité, sa déclaration d’amour aux acteurs et ses quelques maladresses attachantes. The Revenant, lui, m’a fait croire au sublime, pour finalement me laisser de glace. Au fond de mon trou. Seule, avec Leo et sa statuette dorée.
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THE REVENANT – Sortie le 24 février 2016
Genre : aventure, drame
Réalisateur : Alejandro González Iñárritu
Scénaristes : Mark L. Smith et Alejandro González Iñárritu, d’après l’œuvre de Michael Punke
Avec : Leonardo DiCaprio, Tom Hardy, Domhnall Gleeson, Will Poulter…
Bande-originale : Ryuichi Sakamoto et Carsten Nicolai
Pour en savoir plus :
– Voir la bande-annonce de The Revenant
– La fiche technique complète du film sur IMDb
– Ecouter la bande originale sur Spotify
Catégories :Critiques
Je me suis également fait la comparaison avec l’ami Bear (jamais je n’oublierai l’épisode où il a bu de l’eau dans une peau de serpent qu’il venait de dépecer lui-même)(bon appétit bien sûr). La bande-annonce annonçait tellement de choses cools que je m’attendais au film de l’année, le coeur battant la chamade quand je me suis retrouvée dans la file d’attente du ciné et puis… Et puis rien. Leo congèle, Leo bave, Tom articule 28 mots en un seul, le mec qu’a joué dans le premier épisode du Labyrinthe continue de froncer les sourcils dans son coin, Leo rebave un peu, Leo avale des flocons de neige avec un Pawnee un brin autiste et puis hop, l’autiste lui balance une leçon de vie, ni vu ni connu j’t’embrouille. C’est même pas subtil (et je ne parle pas des apparitions furtives de feue sa femme, aussi incompréhensibles qu’esthétiquement cheap). Un Oscar pour le Loup de Wall Street, j’aurais dit cent fois oui. Un Oscar pour The Revenant, je dis non, trop c’est trop.
Par contre, je ne comprends pas bien le caractère de démon qu’on associe au personnage de Tom Hardy. Alors oui, c’est un connard, mais pour moi, c’est surtout un mec perdu dans la Pampa, qui joue sa vie tous les jours en priant pour pas tomber sur les Arikaras et qui est juste proche de l’épuisement, mental et physique. Comme tout le reste de l’équipe.
‘Fin dans le sens où Glass, il s’en tamponne aimablement le coquillard en fait. Il veut juste sauver sa peau, comme 99% des gens placés dans la même situation. On est tous Tom Hardy, en fait. Leonardo Dicaprio incarne un mec hautement improbable (et puis qui survit après 15 minutes à se noyer dans un flotte à 2° avec 50 kilogs de fourrure sur le dos hein ?)(personne, c’est très simple) et le mec qui fronce les sourcils tout le temps a beau se torturer les méninges avec sa conscience, il abandonne Glass à son sort. Parce que c’est ce qu’on aurait tous fait, faut quand même pas se mentir, hein.
Bref, une grosse déception, quoi. Être visuellement irréprochable, ça fait pas tout dans la vie.